La porte sera débarrée
La porte sera débarrée
Vingt-cinq ans passent. Je retourne à Ivujivik. Je suis à nouveau envoûtée par la culture des Ivujivimmiut : les festins communautaires, les jeux qui animent les rassemblements, les sorties dans la toundra, l’entraide des familles, la déférence envers les personnes âgées, les rigolades qui jaillissent à tout moment.
Dans la tradition inuite, l’ours blanc fait le pont entre les univers. Il se déplace avec agilité dans l’eau comme sur terre, il est à la fois une proie prisée et un chasseur redouté, et il chevauche symboliquement le monde humain et le monde animal. De nouveau accueillie à Ivujivik, je cherche à (re)nouer des liens, entre nous, entre nos univers. Je guette la bête qui menace, je convie celle qui unit. Je photographie mes anciens compagnons et compagnes, leurs familles, et en contrepoint, le territoire, témoin de leur histoire. Autour des moments de pose, je capte des scènes qui évoquent les liens entre les gens, les activités qui les occupent, leurs paysages intérieurs. Je transforme ces instants en images, je les extrais du temps pour les offrir en partage, et pour nous inviter, nous, au Sud, à considérer avec humanité et humilité ce Nord ébranlé par nos rencontres-collisions.
Anna Lupien
Possibles Éditions, 2019
12.6 X 20.3 cm, 64 pages